Pour approfondir les 7 messages à l’attention des aidants/accompagnants
Les aidants sont parfois si troublés, qu’ils perdent leurs moyens face à une situation qui survient sans qu’ils n’aient pu l’anticiper. D’ailleurs, elle reste compliquée, même lorsque l’on a pu s’y préparer. Et ceci est fort compréhensible.
Parce que nous avons vécu ces moments difficiles, et que nous avons recueilli de nombreux témoignages, voici quelques pistes de réflexions qui pourraient leur être utiles.
1 – Ne pas se résigner – Oser le changement !
Après l’annonce du diagnostic d’une grave maladie, dans bien des cas, c’est un véritable tsunami qui déferle sur la vie du malade, de son couple, et de toute sa famille.
Témoignage d’un aidant :
« Je ne m’attendais pas à devoir résister à un choc si inattendu, d’une intensité et d’une violence, dont je n’avais pas idée ».
Comment s’en sortir, lorsque l’on est confronté à l’une des choses les plus dures qui soit : la maladie, un lourd handicap, la perte d’autonomie et de dignité de celui ou de celle qu’on aime ou que l’on accompagne au quotidien ?
Comment et que faire, lorsque l’on a une famille à porter à bout de bras, pour gérer le présent et construire l’avenir ?
Malheureusement, il n’existe pas de solution miracle. Mais une chose est certaine, une chose dont il vaut mieux prendre conscience le plus rapidement possible dans ce genre de circonstances : les aidants, tout comme les malades, vont voir leur vie changer brutalement. Ils vont être exposés à des problèmes auxquels ils ne sont pas préparés, et qui vont les obliger à se remettre en question. Au-delà de la nécessité d’un sérieux engagement, ils vont devoir eux-mêmes changer !
Avant de se trouver dans une telle situation, toute personne sensée imagine assez bien les adaptations qu’elle sera dans l’obligation d’opérer, mais son analyse aura tendance à se centrer sur la personne malade, et sur les aspects matériels. Elle ne va pas imaginer tout de suite à quel point sa façon de conduire sa propre vie devra évoluer, et ceci, parfois très profondément.
À chacun son caractère, à chacun sa personnalité, mais les deux qualités fondamentales que les accompagnants vont devoir développer, sont d’une part, une ouverture d’esprit doublée d’un sens critique approprié, et d’autre part, apprendre à se « dépatouiller » seuls, pour déployer des moyens permettant de gérer la situation, quelle qu’elle soit.
En fin de compte, la chose primordiale est de toujours douter, et ceci même face aux diagnostics les plus terribles, et même s’ils sont appuyés de statistiques impitoyables. Croire que tout est possible, et ne pas se résigner, voilà certainement l ‘attitude la plus positive que l’on puisse adopter.
2 – Le malade reste une personne à part entière
Il (ou elle) n’a pas décidé de tomber malade. Le malade vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, et bien souvent, il brandit la sienne dans tous les sens sans savoir contre quoi, ou contre qui, la diriger.
Cependant, quel que soit son comportement, il reste une personne à part entière, capable de prendre des décisions, d’avoir des rêves et des projets à court, moyen, et long terme.
Il est primordial de lui laisser, ou de lui restituer, sa capacité à décider. Bien que malade, et bien sûr s’il est conscient, son avenir lui appartient, ou tout du moins le concerne totalement.
Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, faire des choix à sa place ne permet pas de l’épargner ni de le soulager. Qu’il s’en rende compte ou pas, le malade risque de s’infantiliser et de se déresponsabiliser.
La maladie (et/ou le handicap grave) induit une série de deuils successifs pour celui qui en souffre : perte de son intégrité physique, perte éventuelle de son travail, altération de sa fonction et de son statut au sein de la famille, diminution de son autonomie, regard des autres sur lui, regard sur lui-même, … C’est une blessure narcissique très éprouvante à vivre. Elle peut être si profonde qu’elle pourrait l’inciter à baisser définitivement les bras.
Les accompagnants ont bien souvent le réflexe de parler différemment que par le passé aux malades : discours infantilisant, utilisation d’un vocabulaire pauvre, voix plus forte ou trop basse. Toutes ces formes d’expression renvoient une image dégradée. Ces changements de comportement énervent souvent les malades et, pire encore, ils peuvent les déprimer ou/et les décourager.
Le conseil d’un coach :
« C’est une chose pas évidente à suivre au quotidien, mais l’un des moyens pour permettre à un malade de rester en contact avec le monde qui l’entoure, et avec la vie, est de faire en sorte de ne jamais oublier que celui qui souffre est une personne normale, qu’il faut lui laisser sa dignité, et avoir un regard à sa hauteur sans nourrir une pitié excessive, et sans se substituer à lui en toute situation et en toute chose ».
3 – Former une équipe
Dans cette épreuve contre la maladie, tout comme les malades, les aidants doivent prendre conscience qu’ils ne sont pas seuls.
Il est rare que l’on se retrouve tout à fait isolé dans ce type de situation. Le corps médical, la famille, des soutiens que l’on ne soupçonne pas toujours, il existe dans l’entourage toutes sortes de ressources et d’appuis pour peu que l’on cherche à les identifier.
Il ne faut donc pas hésiter à demander de l’aide. Car de fait, le meilleur moyen de ne pas avoir d’aide pour s’en sortir est de ne rien demander.
Témoignage d’un aidant :
« J’ai osé demandé de l’aide à certaines personnes que j’avais du mal à aborder lorsque j’ai compris que la seule chose que je risquais était d’obtenir un oui » !
C’est important de ne pas se sentir délaissé et de pouvoir compter sur son époux, ou sa compagne, mais aussi sur ses enfants, sa famille et les amis présents à ses côtés. Cette solidarité collective qui nous entoure est nécessaire pour l’aide et le soutien qu’elle nous apporte, mais aussi essentielle pour la survie du couple. Et au-delà du premier cercle, nous avons beaucoup trop tendance à ne pas croire qu’il existe des personnes prêtes à nous venir en aide. Parfois, ce n’est que sur des détails ; mais bien des détails ont de l’importance.
Néanmoins, il existe une règle d’or en ce qui concerne l’entourage : il faut veiller à ce que l’entourage du malade soit particulièrement sain (sur le plan psychologique).
Certaines personnes, consciemment ou pas, ne savent pas adopter une attitude adaptée. Tout au contraire, elles sont là pour des raisons qui rendent leurs comportements nocifs. Le plus classique d’entre eux est l’apitoiement sur le sort du malade, doublé le cas échéant d’un transfert sur soi-même.
Par conséquent, écarter de telles personnes est une option sur laquelle il serait dangereux de transiger. Même si, il faut en convenir, c’est parfois une décision difficile à prendre pour les accompagnants, et à mettre en œuvre … surtout lorsqu’il s’agit de l’entourage familial immédiat.
4 – Le couple … à trois : un élément capital à intégrer

Lorsque l’aidant est un conjoint, (quel que soit le contrat ou même l’absence de contrat qui le lie à la personne malade), aussi extrême et iconoclaste que cela puisse paraître, le couple n’existe plus: un 3ème personnage s’invite en plein cœur de son intimité !
En effet, à travers son univers médical et hospitalier, sur le plan physique et psychologique, la maladie impose ses contraintes et ses rythmes. C’est ainsi que dans la grande majorité des cas, le couple va passer par toutes les phases suivantes : l’impuissance, la colère, l’injustice, la tristesse et la culpabilité. Ce qui fera la différence entre tous les couples touchés par cette adversité, c’est uniquement la durée de chaque phase.
L’impact de la maladie sur la relation entre conjoints est tellement fort qu’il n’est pas rare que l’un ou l’autre, l’accompagnant mais aussi le malade, remette en question la légitimité du couple en se questionnant sur l’alternative de la séparation. Les unions sont alors souvent en péril, et deux choix se présentent : affronter ensemble ou se séparer.
Affronter cette épreuve ensemble, peut faire grandir le couple et l’amour qui le lie. Mais tout au contraire, si la maladie peut rapprocher, elle peut également faire exploser le couple, même si les deux personnes ont choisi au début de la découverte de la maladie de faire front commun, en conscience, et avec la plus grande sincérité.
Par ailleurs, il existe une réalité temporelle que l’on ne soupçonne pas : si les personnes font le choix de rester ensemble, celle des deux qui est bien portante devra apporter tout son soutien à la personne malade encore plus rapidement, et inconditionnellement qu’elle ne le pense à l’instant où elle aura pris sa décision.
Témoignage d’un aidant :
« J’ai cru que j’aurais le temps de m’acclimater à cette nouvelle situation. J’ai cru que je m’habituerais au rythme de l’aggravation de la maladie. Mais je me suis trompée car mon mari s’est immédiatement projeté vers ce qu’elle représentait de pire pour lui ».
Autre témoignage :
« J’ai aussi compris très vite qu’il allait falloir apprendre à vivre dans l’incertitude, et que ni moi, ni lui, n’avions de prise sur le temps. Nous allions devoir vivre avec l’angoisse de l’avenir, même quand la maladie nous offrait quelques répits ».
Chacun aura ses limites, physiques, psychiques et matérielles. Il faudra anticiper au mieux les hauts et les bas. Il est donc primordial de les accepter et d’instaurer au plus tôt un dialogue et une écoute permanente.
Et ce sont les aidants qui vont devoir adapter profondément leur comportement.
Cela vous semble évident ! Vous vous dites sûrement que cela vient tout naturellement à la plupart d’entre nous. Mais c’est compter sans l’aspect affectif qui prend le dessus dans les situations difficiles à vivre. Et évidemment, plus la situation est difficile, moins les accompagnants gardent leur capacité à prendre du recul.
5 – Super-aidant a aussi ses faiblesses
Quand on cherche à aider les autres, il n’est pas rare que l’on oublie tout simplement de s’occuper de soi.
C’est une situation qui touche les aidants comme les personnes malades en voie de guérison. Les premières dédient entièrement leur vie à la personne qu’ils accompagnent, les secondes, dès qu’elles se portent mieux, s’empressent de se dévouer aux autres.
Dans les deux cas, le résultat est le même. “À trop tirer sur la corde, elle se casse”.
L’épuisement tant physique que psychologique survient très souvent sans crier gare.
Or, comment l’aidant peut-il accompagner celui ou celle qui souffre, si lui-même ne va plus bien ? Sans compter que, consciemment ou inconsciemment, le malade ressentira l’épuisement de l’aidant et en souffrira.
Vous aurez beau tricher sur votre propre état émotionnel, il transparaîtra. Et s’il y a bien une valeur qui compte dans les rapports accompagnant / malade, c’est l’intégrité. Seule l’intégrité permet une communication spontanée et authentique.
Certains accompagnants considèrent à tort que s’occuper d’eux-mêmes est un acte égoïste au point de s’en sentir coupables. Il n’en est rien. S’occuper de soi, c’est tout simplement ne pas oublier de vivre sa propre vie.
C’est aussi ne pas fonctionner en surestimant ses propres capacités de résistance. Sur ce point, il existe un dicton populaire plein de bon sens : « Tant va la cruche à l’eau, qu’elle finit par se casser ».
On comprend mieux la spirale dans laquelle peuvent s’enfermer des aidants en lisant ce témoignage poignant :
« La disharmonie a été terrible, l’apprentissage de l’abnégation de soi au profit de l’autre, la résilience, la souffrance et la patience sont devenus le lot de mon quotidien ; le lot de chacun des jours, des heures, et de chacune des secondes de ma vie. Je n’avais plus qu’une seule obsession, une seule mission : aidez mon époux à s’en sortir… Et je me suis oubliée ».
Mais concrètement, comment éviter de se précipiter tout droit vers le point de rupture ?
À chacun de composer le cocktails des activités qui lui permettront de se régénérer : prendre l’air, voir d’autres choses et d’autres gens ; veiller à se maintenir en forme ou prendre le repos nécessaire pour recharger son capital énergétique ; continuer à faire des projets personnels ; conserver du temps pour ses loisirs ou ses centres d’intérêts ; passer des moments entre amis sans penser à des sujets qui toucheraient de près ou de loin à la maladie combattue ou à la personne que l’on accompagne ; aller chez le coiffeur, faire du shopping, ou faire du sport.
Voici un autre témoignage pour conclure ce point essentiel :
« Pour tenir le coup, je me suis attachée à trouver des échappatoires pour évacuer tout le stress généré par ce combat. J’ai aussi profité de chaque instant, sans oublier de continuer à voir l’avenir ensemble en continuant à construire et à former des projets, pour éviter de tomber dans la déprime ou d’en vouloir à mon compagnon ».
6 – L’Amour, c’est bon pour la santé
La compassion, c’est le mieux que l’on puisse offrir, quand on ne peut prendre la
souffrance de l’autre sur nos épaules.
L’écoute, c’est le mieux que l’on puisse faire quand on ne sait pas quoi dire.
Et enfin, l’amour, c’est le mieux que l’on puisse donner.
La forme la plus aboutie d’amour, c’est un amour sans condition. Et figurez-vous que c’est bon pour la santé !
Cela peut faire une vraie différence quant à l’évolution de l’état de santé du souffrant. Selon les experts en neurosciences, l’amour peut provoquer dans certains cas une modification du système immunologique du malade.
Dr David Servan-Schreiber :
« L’amour est un facteur accélérateur de guérison ».
Citation d’un coach anonyme :
« Une souffrance partagée est une souffrance qui s’allège. En aidant l’autre, on s’aide un peu soi-même, car ce qu’on fait à l’autre, on le fait aussi à soi-même ».
À ne pas oublier :
Le langage non verbal représente à lui seul plus de 70 % de notre communication. Grâce à lui, et par lui, nous transmettons l’état interne dans lequel on se trouve. Et s’il y a bien une chose que tout malade, quel que soit son état de santé, ressent spontanément, c’est le langage non verbal de son interlocuteur. Plus encore que de le ressentir, bien souvent il le guette !
7 – On ne peut aider quelqu’un qui ne le souhaite pas
Les aidants se portent quelquefois aux côtés de malades qui choisissent délibérément de s’isoler, et de repousser toute aide.
Leurs motivations peuvent être multiples. En voici trois des plus courantes :
– Tout malade passe par plusieurs phases incontournables. Chacun les vit à sa façon et pour une durée qui lui appartient. L’une d’entre elles est le déni. La personne refuse de croire qu’elle est atteinte d’une pathologie, aussi grave ou évidente soit-elle. De ce fait, ne pouvant ou ne voulant pas se projeter, elle ne peut même pas imaginer que l’on puisse l’accompagner dans l ‘épreuve qui s’ouvre devant elle. Elle ne peut même pas en parler ;
– Des malades s’isolent tout simplement par désespoir, ou parce qu’ils considèrent que leur cas est tellement unique que personne ne peut les comprendre et les aider. On sait bien que développer une grave maladie, (aussi rare soit-elle, voire même auto-immune aux symptômes uniques, et pour laquelle les traitements ne sont pas infaillibles), n’est pas une raison suffisante pour choisir de s’isoler ou de nourrir une rancœur aveugle et exclusive de tout accompagnement. Mais c’est ainsi et il faut l’accepter : certaines personnes réagissent de la sorte ;
– D’autres malades préfèrent penser qu’ils sont uniques, et qu’à ce titre, ils sont importants aux yeux de leur entourage médical, au point parfois d’être convaincus de défendre une noble cause en faisant avancer la science. En retour, leur nouveau statut leur confère des bénéfices spécifiques. Ils se sentent appréciés et reconnus, choyés et même aimés. En d’autres termes, ils n’ont pas besoin d’aide, et leur condition de malade est leur sauf-conduit absolu.
Face à ces types de comportement, les accompagnants sont fort démunis. Tout d’abord parce qu’il est difficile de se résoudre à l’admettre, et ensuite parce qu’il est particulièrement compliqué d’oser aborder le sujet avec un malade réagissant de la sorte.
Souvent, se trouvant en grand péril face à cette situation, ils décident de jouer le jeu et d’opter pour une stratégie d’évitement. Ils font « comme si ».
Hélas, le dévouement d’un aidant ne suffit pas à inciter un malade à se lancer sur le chemin de la guérison. Encore faut-il qu’il le décide par lui-même.
Ainsi, au lieu de s’épuiser aux côtés des malades, les accompagnants devront lâcher prise et veiller à se protéger, de telle sorte qu’ils ne se perdent pas eux-mêmes sur leur propre chemin de vie.
Témoignage d’un aidant :
« À force de dire à ma mère qui ne voulait pas se soigner que c’était une attitude irresponsable de ne pas vouloir se soigner, à force d’empiler des arguments que je croyais imparables, et pour finir, tenter de la culpabiliser vis-à-vis de ses petits-enfants, je me suis fâché avec elle au point qu’elle n’a plus accepté de me voir ».
Un grand merci aux aidants/accompagnants dont les partages d’expérience ont permis la rédaction de ces 7 réflexions
Je viens de passer du statut de “plus tout à fait malade” à “totalement aidant”. Oui, le changement a été brutal et d’une violence inouï ! Passer de l’autre côté du miroir est pour moi comme une révélation. Une prise de conscience hallucinante des problèmes que rencontrent les aidants. Quelle différence entre ce que l’on croit savoir et que l’on prétend comprendre, et le côté très concret du vécu !
Ce qui me sauve est certainement ma capacité à ne pas me projeter. “Step by step” ! Je prends les événements l’un après l’autre, sans me laisser envahir par un avenir qui est de toute façon si aléatoire …
Mon challenge actuel ? Ignorer les diagnostics basés sur des observations et des statistiques qui ne veulent rien dire lorsqu’il s’agit de problèmes liés au cerveau pour lequel le corps médical me démontre, jour après jour, qu’il n’a que très peu de visibilité.
L’important pour moi aujourd’hui est de former une équipe autour de mon épouse et de lui donner accès à toutes les options qui pourraient lui permettre de récupérer ses facultés mentales. Pour le reste, “demain il fera jour.
Pascal, on pense tous à toi et à ton épouse… La Vie ne t’épargne pas, mais on dirait qu’elle veut que tu aies un rôle à jouer… Ton témoignage est encore une fois poignant, et incroyablement puissant pour toutes celles et ceux que la maladie atteint, soit dans leur chair, soit dans celle de leurs proches. Merci.